Bref état des lieux
Lors d’une conférence remarquable[1], Gary Hamel, Visiting Professor de Stratégie à la London School of Economics, distinguait trois conditions inédites et spécifiques à ses yeux de notre époque : l’accélération du rythme du changement, l’hypercompétitivité et la marchandisation (« commodification » en anglais) des savoirs. C’est cette dernière qui nous intéresse.
De nombreuses recherches confirment l’observation de Gary Hamel. Les formations qu’elles soient courtes ou longues, techniques ou financières, orientées management ou métiers n’ont en général que très peu d’influence sur le bien-être ou la prospérité des entreprises[2].
La première raison est qu’elles sont essentiellement centrées sur les individus. Ce sont bel et bien des personnes qui suivent tel ou tel cursus. Et lorsque ces dernières retournent en entreprise, les choses apprises restent souvent parquées dans leur esprit soit parce que l’entreprise les rejettent, soit parce qu’elles disparaissent dans le flux des activités courantes, ne trouvant jamais un lieu dans lequel elles pourraient s’inscrire.
Pour dépasser cet écueil, nous proposons une perspective différente : collectiviser les savoirs pour qu’ils puissent s’inscrire dans l’organisation elle-même. En d’autres termes, la formation doit avoir pour but d’augmenter les capacités organisationnelles et non pas seulement individuelles. Il faut que l’organisation apprenne autant que les individus ou mieux encore qu’elle apprenne en même temps que ses membres. Et la formation servira de canal.
La seconde raison tient à leur structure. Elles sont souvent chronophages (étalées sur de longues périodes), entraînent une interruption des activités et se fondent sur un corpus théorique standard. Pour prendre une analogie empruntée à l’informatique, elles seraient du type « système d’exploitation » Les systèmes d’exploitation s’apparient à des machines. Ils ont pour but d’étendre les capacités fonctionnelles d’une boîte. Ils sont donc intrinsèquement standardisés même lorsqu’ils sont dits « ouverts ». Pour éviter ces problématiques, nous privilégions un approche de type plug-ins[3]. A l’inverse du « système d’exploitation », le plug-in est localisé et existe dans un environnement ouvert d’une extrême variété et d’une extraordinaire malléabilité : le web.
Prendre la forme du plug-in
Le plug-in est modeste et limité. Il ne prétend pas couvrir tout le champ d’un savoir. Il n’a pas vocation à encadrer un savoir mais à l’étendre un petit peu, juste ce qu’il faut. Il permet d’accéder à un type de connaissances qui ressemble plus à un puzzle qu’à un barrage. Il favorise la mise en relation (suivre d’autres liens, télécharger d’autres modules) mais en la laissant ouverte et libre, c’est-à-dire à la discrétion de l’internaute. La contrainte est levée, il ne reste que le plaisir de la découverte.
On pourrait dire que la fonction du plug-in est de faire voir ce qu’auparavant on ne pouvait pas connaître. Il faut le « télécharger » pour accéder au contenu qu’on veut consulter et qui, sans cette opération tierce, vous laisse devant une page blanche ; sans lui je ne peux accéder à l’information. Il y a dans sa légèreté, son intensité, voire même dans ses formats quelque chose qui le rend proche de la production des idées.
Mais l’analogie va plus loin encore. Le plug-in n’existe que sur le net et par conséquent on peut se demander si le futur des apprentissages en entreprise ne doit pas lui-aussi se faire sur le même médium[4]. Ce rapprochement n’est pas trivial.
Le premier point abordé faisait état de la nécessité de créer une organisation apprenante or comment lier cet ensemble de personnes et de structures si ce n’est dans un lieu commun. Où ailleurs que sur une plateforme peuvent s’échanger, se confronter, discuter, dialoguer les différents points de vue. La chose n’est pas tranchée et le face à face reste important[5], mais cela n’empêche nullement les gens de se connecter et de télécharger des petits modules à la fois pertinents, ciblés et liés à leur pratique. La connaissance, une fois les grandes périodes scolaires terminées, peut se faire par petites touches, comme la diplomatie par petits pas.
La troisième raison tient à leur format. Le contenu des formations apprenantes classique est en général dense et touffu et demande les mêmes compétences que l’école. Il progresse linéairement et, malgré les efforts des animateurs pour le rendre plus divertissant, il demeure d’une grande aridité et d’un niveau d’abstraction souvent élevé. Au lieu de ces séjours prolongés en clinique, le besoin des managers ne serait-il pas plutôt de l’ordre du vaccin, en gardant à l’idée qu’il peut s’accompagner d’un morceau de sucre.
So what’s next ?
Notre recherche concerne donc les formats et insiste sur leur variété. Il ne s’agit pas de créer une chaîne YouTube mais de qualifier les contenus en fonction de leur pertinence sur des problématiques de gestion sur le vif. Ce qui compte c’est leur impact pratique. Pour reprendre une analogie avec les principes du Design Thinking le but est de créer des savoirs dans le cadre d’un prototypage, voilà, nous semble-t-il, le futur des formations en entreprise.
Comment donc fournir un matériel non standardisé ? La réponse peut se donner en deux temps. D’abord, il faut reconnaître qu’un volume considérable de recherche ne parvient pas aux managers, ce qui les privent d’un type de connaissances pointues et structurées. Pour que les responsables restent alertes et vigilants mais pour aussi pour qu’ils puissent être inspirés par autre chose que l’urgence ou les stéréotypes, il est nécessaire qu’il ait accès à ce qui se pense de mieux, car, la recherche ne cesse de construire des instruments très performants[6] ; de mettre en place de nouveaux modèles, de nouvelles manières de mesurer, de nouveaux schémas explicatifs[7]. Outiller de la sorte, les manager peuvent alors renouveler leur façon d’agir et enrichir leur pratique. Rendre visible ce qui se dit et se produit dans les sciences de gestion de façon pertinente, tel est le but des plug-ins. Chez Axiome, les consultants sont aussi des chercheurs et des enseignants.
Ainsi donc en modifiant la nature des connaissances (plug-in vs système d’exploitation), en les déployant sur de nouveaux supports et en travaillant sur des types de contenus originaux, la formation peut certainement redevenir un allié de taille dans la construction d’avantages compétitifs durables. Reliés à des types d’organisation qui promeuvent la flexibilité organisationnelle, la formation s’incorpore facilement dans l’ADN des organisations (elle est très peu intrusive) et augmente leur capacité immunitaire[8]. Les bénéfices sont communautaires ce qui veut dire bénéfiques à la fois pour les membres et pour les groupes qui composent les organisations et ceci à n’importe quel niveau où ils se trouvent. Ce qui paraissait impossible à savoir la démocratisation des savoirs devient alors non seulement possible mais souhaitable.
Convaincu par la nécessité de repenser la formation, Axiome développe Simbad, une plateforme construite autour de des notions d’apprentissages collectifs, de plug-ins, nouveaux formats, et contenus de pointe. Cette plateforme est par nature évolutive et par conséquent extrêmement économique. Le prix de la formation est mutualisé et les contenus peuvent être conçus à la demande avec une précision presque chirurgicale.
Les gains sont immenses, le coût moindre, le résultat : une organisation apprenante, condition sine qua non de son évolution.
[1] https://www.youtube.com/watch?v=aodjgkv65MM&t=903s
[2] v. par exemple Stéphanie Gillioz, « Impact de la formation continue sur la performance au travail des conseillers à la clientèle de la Bâloise assurance » Mémoire de bachelor, HES-SO Wallis, 17 juillet 2017.
[3] V. Bruno Latour, Changer de société – Refaire de la sociologie, La Découverte, Paris, 2006
[4] cf University of Phoenix se distingue presqu’exclusivement par ses cours en ligne. Elle vient d’être rachetée par Apollo Education Group pour $1.1 milliard. https://www.nytimes.com/2016/02/09/business/dealbook/apollo-education-group-university-of-phoenix-owner-to-be-taken-private.html
[5] Le dispositif de formation met en place par Axiome inclut le face à face mais comme coaching de personne ou d’équipe
[6] v. le modèle des phases de préoccupations de Cécile Bareil pour la conduite du changement. http://www.chumontreal.qc.ca/sites/default/files//documents/A_propos/DSAT/01-04_modelephasespreoccupations_aal.pdf ou encore les contributions de Kurt Lewin en matière d’organisation
[7] par exemple l’approche par les systèmes ou par la neurolinguistique ou encore l’innovation intensive
[8] sur le concept d’immunité en entreprise voir Robert Kegan et Lisa Lahey, « Immunity to change : How to Overcome it and unlock the potential of yourself and your organization (Leadership for the common good), Harvard Business Press, 2009