Chez Axiome nous sommes convaincus que les organisations peuvent être des endroits d’épanouissement individuels et collectifs, l’un passant par l’autre et vice et versa. Pas question ici de reprendre la distinction entre bonheur et bien-être. Il ne s’agit pas de cela. Pour nous, le travail peut être épanouissant dans la mesure où il permet aux personnes et aux groupes de renforcer et de développer leur structure psychique, et par conséquent l’ensemble de toutes les capacités mentales et physiques nécessaires à l’accroissement de leur capacité d’agir.
Lorsque l’on parle de créativité, on invoque souvent l’image des grands artistes, des savants, de ceux qui ont changé le cours du monde ou de leur domaine. La créativité se verserait donc au compte-goutte dans le réservoir génomique de certains élus.
Or, il se trouve que la créativité est devenu un sujet important dans les organisations. Mentionnée dans ce contexte, elle devient une faculté disponible qu’il s’agit de développer. Comment ? par plus d’autonomie aux personnes. La créativité serait donc dépendante des structures des organisations. Moins de contrôle, plus d’autonomie serait égal à plus de créativité. Mais cette approche rate le point le plus important de la créativité : tout le monde est créatif parce que le travail est d’abord et peut-être seulement un acte créatif.
Pour expliquer cela il faut faire un détour par l’ergonomie du travail qui distingue la tâche de l’activité.
La tâche et l’activité
Une tâche c’est quelque chose qui est à faire mais qui ne dit rien de ce qui se fait. La tâche prend son sens dans la finalité du geste qui l’exécute – le résultat – , jamais dans le geste lui-même et en cela elle ne dit rien du travail réellement effectué.
La tâche se donne sous la forme d’une prescription qui, pour pouvoir s’articuler, repose sur deux critères :
- elle part du principe que les conditions de sa réalisation sont connues et déterminées d’où son encadrement par des procédures
- elle se fonde sur l’anticipation des résultats.
Si la tâche correspond aux objectifs à atteindre, l’activité, elle, correspond à ce qui est fait concrètement pour y parvenir. L’activité se base donc sur 2 critères opposés :
- elle part du principe que les conditions de la réalisation de la tâche ne sont pas toutes connues d’avance et
- que les résultats obtenus ne seront non pas anticipés mais réels
L’important ici est de comprendre que quel que soit la précisions des consignes et des prescriptions données par l’organisation du travail, surviennent toujours des dysfonctionnements, des incidents ou des imprévus, de telle sorte que le respect scrupuleux des prescriptions ne permettrait pas d’atteindre les objectifs.
Donc même si le travail est bien conçu, même si l’organisation du travail est rigoureuse, même si les consignes et les procédures sont claires, il est impossible d’atteindre la qualité si on respecte scrupuleusement les procédures à cause d’une multitude d’évènements inattendus qui viennent entraver la réalisation de la tâche. Pensez à toutes les pannes, à tous les incidents, les anomalies de fonctionnement, les incohérences organisationnelles, ou encore les imprévus provenant aussi bien de la matière, des outils et des machines que d’autres travailleurs, collègues, chefs, subordonnés de l’équipe, hiérarchie, clients…
De fait, les travailleurs sont conduits à faire des écarts ou des infractions aux procédures pour bien faire… En d’autres termes, si les prescriptions étaient respectées à la lettre, comme dans la grève du zèle, aucune production ne serait possible.
Pour parvenir à l’exécution de la tâche assignée, il est donc nécessaire pour le travailleur de faire preuve d’ingéniosité, d’initiatives et d’inventivité.
Ainsi, comme le dit le psychanalyste Christophe Déjours : « le travail se définit par ce que le sujet doit ajouter aux prescriptions pour pouvoir atteindre les objectifs qui lui sont assignés ; ou encore ce qu’il doit ajouter de lui-même pour faire face à ce qui ne fonctionne pas lorsqu’il s’en tient scrupuleusement à l’exécution des prescriptions. »
Travailler, c’est donc déployer son intelligence pour faire face au réel qui résiste.
Chacun d’entre nous est créatif par le seul fait que pour pouvoir exécuter une tâche : il ou elle devra puiser dans son expérience, dans ses connaissances, dans ses compétences acquises les éléments qui lui permettront d’accomplir la tâche qu’on lui a confiée ou qu’il s’est imposé et dont il ne connaît pas la solution au problème rencontré. Il s’agit donc d’une intelligence inventive, c’est-à-dire d’une intelligence créative.