La direction a planché pendant six mois sur une réorganisation de l’entreprise. Consciente du fait qu’elle doit fédérer ses collaborateurs, elle élabore un plan de communication… Elle délègue à son service de communication interne la tâche de le diffuser. Une semaine après tous les employés reçoivent un email avec la nouvelle charte en pièce jointe…
Dans tous les modèles de gestion du changement, la communication est considérée comme centrale. Dans les faits, elle se réduit souvent à une peau de chagrin[1] : un document vaguement envoyé aux employés, parfois accompagné d’un séminaire ou encore quelques inserts dans l’intranet et le tour est joué, le reste étant confié à des gestionnaires de projets. Cette approche qui privilégie la démarche procédurale (efficace pour certains objets industriels) à une démarche interprétative (efficiente pour ce qui ressort des individus) est d’après notre expérience responsable sinon de l’échec du changement, de son retard et de son coût parfois exorbitant.
Or si la communication est souvent considérée comme un relais entre un émetteur (la direction, l’équipe projet) et un receveur (l’employé), elle peut être un moteur du changement lui-même. C’est ce dernier élément qui à notre avis permet de définir une réelle stratégie de communication de la transformation qui, dans ce sens, doit déboucher sur des actions et non pas sur des échanges d’information. Cette approche valorise la notion si importante en psycho-sociologie des organisations, qui veut que ce soit l’action qui crée la structure, ce qui veut dire que c’est ce que je fais qui crée (renforce, détruit) le cadre dans lequel j’agis.
Pour qu’il y ait un engagement, il faut trois conditions[2]
- La liberté de choix (on choisit de s’impliquer ou pas)
- Une action irréversible (un contenu quel qu’il soit)
- Une visibilité publique
Ce sont ces trois conditions que peut et doit adresser une bonne stratégie de communication, qui aura pour but de stimuler le plus grand nombre d’actions possibles au cours du processus de changement, de les publier et d’en faire la promotion ; qui encourage l’expression la plus ouverte, la plus dense, la plus variée de ceux et celles qui décident de participer. Ce faisant les gens deviennent acteurs du changement non pas en fonction de leur grade ou de leur fonction mais en tant que co-constructeur de la nouvelle structure et tout cela dans une atmosphère positive d’effervescence et d’énergie renouvelée.
Par exemple, une fois la charte rédigée, imprimer rapidement un flyer et en donner un stock à toutes les personnes impliquées dans sa rédaction en leur proposant de les distribuer à leur équipe. Ce faisant, elles sont libres de le faire ou non ; une fois donné, elles ne peuvent plus le reprendre ; quant au geste, il sera vu par l’ensemble de l’équipe.
Communiquer de la sorte, ce n’est plus seulement relayer une information, mais devenir le moteur même de la transformation.
[1] Kotter, J. (2015). Conduire le changement : feuille de route en 8 étapes. Trad. Le Séac’h. Montreuil : Pearson.
[2] Weick, K. (1993). Sensemaking in Organization : Small Structures with Large Consequences in J. Keith Murnighan ed, Social Psychology in Organization : Advances in Theory and Reseach. p. 10-38, Englewood Cliff: Prentice Hall.