Nous sommes naturellement doué-e-s pour l’entraide. Dans nos organisations, favoriser ce penchant naturel est une stratégie gagnante pour innover, évoluer et croître. Mais nous sommes aveugles et nous croyons que la loi de la jungle consacre le plus fort, le plus agressif. Il est temps de lever le voile et de développer la coopération pour le bien du groupe et le nôtre !
Du film…
Dans un futur dystopique, 12 districts vivent sous le joug du Capitol et de son président Snow. En souvenir de la guerre civile qui mena à la destruction du district 13, la Capitol organise chaque année des jeux télévisés : les Hunger Games (1). 24 jeunes, 2 par district, sont tirés au sort et s’affrontent à mort dans une arène jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un participant en vie.
Pour Katniss et les 23 autres tributs la règle est simple : tuer pour survivre ! La compétition dans son expression la plus pure : la loi de la Jungle où seul le plus fort survit !
Contre toutes (ses) attentes, Katniss découvre que pour rester en vie, il s’agit avant tout de susciter l’attention, de faire en sorte que les gens l’aiment. Les spectateurs peuvent en effet « sponsoriser » des participant-e-s et leur faire des cadeaux durant le jeu. Durant l’entrainement, il s’agit également de constituer des alliances avec les autres participants… pour la première partie du jeu du moins. Dans l’arène, c’est grâce à des collaborations que Katniss se sort de situations désespérées. Finalement, la confiance et une association avec un autre participant lui permettent de tordre les règles du jeu et de vivre.
A l’issue de la dernière scène du film, dans la salle encore obscure, je suis plein d’énergie ! Une force tranquille me réchauffe. Malheureusement, le générique me rappelle qu’il s’agit d’un film… et non de la réalité dans laquelle je dois me replonger dès le lendemain matin, au travail notamment.
… à l’essai scientifique interdisciplinaire.
Sauf … Sauf que tout cela est réel ! L’entraide est naturelle, constitutive du vivant et des humains. C’est elle qui permet au vivant de s’adapter, d’innover et de survire dans des contextes hostiles.
Mais comme beaucoup, je ne la vois plus et cède malgré moi au mythe aveuglant d’une loi de la jungle qui voit le plus puissant, celui qui tue et dévore, gagner la partie et survivre. Et si je m’insurge, si j’y crois, je suis taxé d’idéaliste, d’utopiste.
Le livre de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle, L’entraide, l’autre loi de la jungle (2) , nous permet de lever le voile, de compléter notre connaissance du vivant et de (ré-)équilibrer notre conception des relations entre les êtres vivants.
Par une exploration du vivant – des premiers unicellulaires aux mammifères, en passant par les arbres et les insectes – ils nous montrent cette autre loi que nous avons perdue de vue.
L’entraide est partout, tout le temps. Elle se déploie dans le monde vivant sous de nombreuses formes et couleurs et elle est la principale source d’innovation du vivant.
Chapelle et Servigne convoquent également les sciences sociales et décryptent comment les êtres humains déclinent cette dynamique vitale. La conclusion est sans appel. L’entraide atteint des niveaux exceptionnels chez l’être humain.
Il ne s’agit pas d’altruisme ou de morale. Le vivant (dont font partie les humains) collabore premièrement parce que c’est la meilleure stratégie. La compétition est épuisante. Les gains sont incertains et représentent un risque important. La collaboration permet, elle, d’obtenir ce qui nous est précieux en minimisant les risques et en optimisant les énergies disponibles ! C’est un gain décisif pour la survie et l’évolution. Ce sont ainsi les groupes les plus collaboratifs qui survivent. Une pensée pour les manchots qui gèleraient isolés sur la banquise sans pouvoir se relayer en bordure du groupe, à ses lionnes qui ne mangeraient pas aussi souvent en chassant seules ou au corail qui se forme par une association de deux individus distincts.
Il est évident que des relations de compétition et de prédations existent. Le nier est inutile et dangereux. Mais nous sommes naturellement doués et motivés à collaborer, ce qui ne veut pas dire que nous ne sommes pas prêts à une riposte en cas d’attaque. Les deux forces se côtoient, les deux lois se complètent.
L’entraide étant un puissant facteur d’innovation, d’évolution et de développement, la question essentielle est donc la suivante : Comment favoriser la collaboration au sein de nos organisations ?
Des indicateurs pour favoriser la collaboration
Pour collaborer, il faut se connecter et donc, à l’image des cellules, ouvrir sa membrane. Ceci implique une certaine fragilité. Pour favoriser la collaboration au sein d’un groupe, il s’agit de créer une membrane extérieure de bonne qualité qui permet à ses membres de s’ouvrir sans risquer leur peau. Trois éléments sont déterminants : La sécurité, la confiance, et l’équité.
Ainsi, dans nos organisations, pour qui veut favoriser la collaboration et augmenter les compétences collectives, la tâche principale de l’encadrement sera de préserver ces trois composants. Voici trois indicateurs avec lesquels nous pouvons évaluer l’impact de nos actions et construire nos décisions : Est-ce que cette option renforce la confiance ? Garantit-elle la sécurité des collaborateurs et augmente-t-elle le sentiment d’équité au sein de l’organisation ?
Des leviers pour créer une culture de l’entraide
La réciprocité met en route une dynamique d’entraide. « Je te donne, tu me rends, je te donne à nouveau » Le jeu fonctionne avec nos voisins, nos amis, nos collègues. Pour favoriser l’entraide au sein d’un groupe et optimiser la collaboration, nous pouvons utiliser plusieurs leviers. La réputation, les récompenses et les punitions permettent de développer la réciprocité, d’inclure des tiers dans l’équation et de créer une culture de l’entraide. « Je te donne, tu lui donnes, il me rend… »
Dans nos collectifs, rendre visible et valoriser les comportements d’entraide s’imposent. Attribuer publiquement des récompenses aux personnes qui collaborent favorise ces comportements. Dénoncer et punir un comportement non-collaborant permet de maintenir cette culture active.
Un objectif commun aussi fort qu’un ennemi commun.
La relation au contexte extérieur est également déterminante. Ainsi, un milieu hostile ou un ennemi commun font augmenter le taux de collaboration au sein d’un groupe. Nous connaissons bien cette logique. Mais elle nous laisse un arrière-goût amer. Doit-on nécessairement se battre contre pour pouvoir se battre avec ? Les expériences sociales montrent qu’un objectif commun, positif donc, permet d’avoir des effets comparables sur le niveau de collaboration.
Pour nos activités de groupes, une vision partagée et un but commun permettent de favoriser la collaboration au sein de l’équipe sans devoir déclarer la guerre, même conceptuelle, à son entourage. Cette absence d’ennemi permet, lorsque cela est nécessaire et opportun, d’étendre la membrane et de collaborer avec d’autres acteurs (d’autres groupes collaborant).
Beaucoup d’autre éléments présentés dans le livre mériteraient d’être soulignés et présentés en détail. Finalement, Pablo Servigne et Gauthier Chapelle le font bien mieux que moi. Mon texte s’arrête ici, vous êtes libres de poursuivre ces réflexions par la lecture de L’Entraide, l’autre loi de la jungle.
Engagement
En conclusion, je retiens que nous sommes naturellement motivés à aider, à nous entraider ! Cela mérite d’être rappelé ! Il est possible et nécessaire de ré-inventer nos mythologies pour sortir de l’aveuglement que représente la loi du plus fort. Car c’est en collaborant que nous augmentons nos chances de survie, notre capacité d’innovation et nos performances ! Fort de cette nouvelle conscience, je vais m’atteler à créer les conditions nécessaires qui favorisent notre penchant naturel à la collaboration.
L’énergie du film ne retombe pas ! Je n’ai pas besoin de désespérer ni de mettre ma carapace tous les jours ! Vouloir coopérer ne fait pas de moi un utopiste délirant ! Nous le faisons sans arrêt et c’est une stratégie gagnante : L’entraide nous procure du plaisir et de la satisfaction et elle constitue un formidable levier d’évolution pour le groupe et les individus !
Je partage cet engagement avec l’équipe d’Axiome. Ensemble nous voulons favoriser la coopération au sein des organisations en régénérant leurs capacités naturelles à se connecter et coopérer. Nous aidons ainsi les individus et les collectifs à se réaliser: innover, s’adapter et prospérer.